Malgré le froid entre Romelu et lui, Roger Lukaku conseille encore son fils: “Moi, je serais parti en Arabie saoudite”

Roger termine sa partie de billard avant de nous donner sa vision des choses. Il est souriant et a bonne mine. “Je fais du footing. Et beaucoup de promenades. D’ici à Molenbeek vers la Gare de l’Ouest à Bruxelles. Ou vers Dilbeek. Ma santé va bien. J’ai eu des problèmes au dos, mais je me sens fit, maintenant. J’ai le poids que j’avais quand j’étais joueur de foot. (Rires)”

“Il va facilement dépasser les 100 buts”

Quand on lui demande s’il était au Stade Roi Baudouin quand Romelu a marqué ses quatre buts, Roger fait non de la tête. “Vu le froid qu’il y a entre nous deux, j’ai préféré ne pas aller au match pour ne pas le perturber. Je ne voulais pas déranger. J’ai préféré regarder le match à la télé.” En voyant Romelu à l’oeuvre, Roger a été catapulté dans le passé. “Je me croyais à Neerpede quand il avait 16 ans. Ce que j’ai vu, c’est ma marque de fabrique. Je lui expliquais comment un attaquant doit éviter le piège du hors-jeu, par exemple. Vous avez vu son deuxième but, quand le VAR a vérifié si le goal était valable ? Au départ, il était en position hors-jeu. Mais il est revenu dans le jeu et a ensuite marqué du pied droit. Ce qu’il a montré contre l’Azerbaïdjan, c’est incroyable. Même moi, j’ai ouvert des yeux comme ça. S’il était resté sur le terrain, il en aurait mis six ou sept. C’est dommage qu’il soit sorti. S’il continue après l’Euro, il va dépasser les 100 buts en équipe nationale. Facilement. Mais vous savez ce qui m’a le plus fait plaisir contre l’Azerbaïdjan ? De le voir en mode patron. Vous avez vu comment il a dit à Theate de dégager quand il continuait à protester après sa carte jaune ? C’est intéressant. J’étais fier de lui. Je savais qu’il était un meneur d’hommes et j’ai toujours vu en lui un bon capitaine, mais sa maturité m’a quand même surpris.”

“Son meilleur match depuis Belgique – USA”

Roger n’a jamais vu son fils jouer un meilleur match que contre l’Azerbaïdjan. “Il a déjà joué beaucoup de grands matchs. Mais celui qui m’a le plus marqué, est Belgique – USA à la Coupe du monde 2014. Ce n’est pas un secret : ce n’était pas le grand amour entre Marc Wilmots et lui. Il m’avait appelé en râlant. Depuis mon lit d’hôpital, je lui avais dit : ‘Si tu joues ne fût-ce qu’une seconde, tu vas marquer.’ Et c’est ce qu’il a fait. Le Mondial 2022? S’il avait joué dans une grande nation, il n’aurait pas été repris, vu sa blessure. Il a fait ce qu’il a pu contre la Croatie, mais il n’était pas fit. J’étais au Congo. J’étais en voiture pendant ce match, je ne l’ai pas vu. J’ai éteint mon téléphone, qui n’arrêtait pas de sonner. Je sentais que c’était une mauvaise nouvelle qu’on voulait m’annoncer.” En 2018, Roger nous avait dit que son fils deviendrait le meilleur attaquant au monde. “Je ne retire pas mes paroles. La seule différence avec Haaland, c’est que le Norvégien a gagné la Ligue des champions et est meilleur buteur de la Premier League. Romelu, lui, a eu la malchance de perdre la finale de la Ligue des champions. Mais pour le reste, voyez-vous un meilleur numéro ‘9’ au monde?”

“J’ai arrêté la télé pendant Inter – Roma, ça faisait trop mal”

Roger défend à fond son fils dans sa guerre avec ses détracteurs en Italie. “Il a raison de travailler avec des avocats et plus avec des agents, qui ne songeaient qu’à se remplir les poches et pas à l’intérêt du joueur. Ça m’a fait mal de voir comment il a été traité en Italie. Vous savez que j’ai éteint la télévision à la mi-temps d’Inter Milan – AS Rome ? C’était dur. C’est comme si on me sifflait. Je sais qu’il a une peau d’éléphant, mais il y a des limites. Le stress peut provoquer des blessures physiques. Quand on voit ce qu’il a fait pour l’Inter…” Roger est content que son fils ait retrouvé José Mourinho. “Il a fait le bon choix en allant à l’AS Rome. Mais moi, j’aurais été en Arabie saoudite. J’ai dit à Jordan – avec qui le courant passe mieux – de lui passer mon message, comme quoi il devait aller à Al Hilal. Combien aurait-il gagné ? 45 millions par an ? Et il aurait signé pour trois ans ? Il aurait dû parler avec Tedesco pour voir s’il pouvait garder sa place en équipe nationale. Comme Ronaldo. Romelu a deux enfants. Il a déjà 30 ans. À un certain moment, il faut penser à soi-même. Mais il a voulu rester en Europe.”

“Monaco voulait donner 32 millions pour Jordan”

Et Jordan, son autre fils ? Comment va-t-il à Adanaspor, club de D2 en Turquie ? “Ça va, il est titulaire lors des derniers matchs, mais il a mal été encadré lors de sa période à la Lazio. À un certain moment, Monaco voulait payer 32 millions pour l’avoir et il aurait touché 6 à 7 millions par an, mais le manager albanais de la Lazio (Igli Tare) a refusé. Jordan aurait dû m’avertir. J’aurais fait le forcing comme au tout début de la carrière de Romelu. Quand Anderlecht ne voulait pas lui donner son premier contrat à nos conditions, j’ai menacé de le mettre au Werder Brême, qui voulait payer beaucoup d’argent. Anderlecht a fini par plier. Cétait une stratégie.” Entre-temps, après avoir été prêté à l’Antwerp et Vicenza, Jordan a joué à Ponferradina. “Il a perdu son temps en D2 en Espagne. J’espère qu’il fera encore une belle carrière. Pour moi, il n’y a pas que Romelu qui compte, mais aussi Jordan. Quand j’apprends qu’il est à un edroit qui ne me plaît pas, je le lui fais savoir.”

“L’ancien Anderlecht finançait mon club Rojolu”

En ce moment, Roger est sans emploi. “Je cherche quelque chose dans le football. Entre juillet 2022 et avril 2023, j’ai été manager général d’un des plus grands clubs congolais, le DC Motema Pembe, ce qui signifie coeur blanc. Mais j’ai arrêté, il n’y avait pas assez de sérieux à mon goût.” Avant cela, il avait été président du FC Rojolu, club qu’il avait créé lui-même. “Son nom était composé des initiales de Romelu, Jordan et Lukaku. Ce club est né avec l’aide d’Anderlecht quand Romelu a signé son premier contrat à Anderlecht. (en 2009). On a joué en D1 pendant cinq ans.” Roger nous apprend une nouvelle intéressante. “J’avais un contrat avec Anderlecht. Le deal était que chaque année, deux ou trois talents seraient placés au Sporting. En échange, on recevait un financement annuel.” Aucun des joueurs congolais n’a vraiment percé. “Seul Edo Kayembe, qui est actuellement à Watford. Les autres, Anderlecht aurait dû d’abord les prêter à des plus petits clubs comme Ostende ou Malines. L’histoire a été mal gérée.” Entre-temps, Rojolu n’existe plus. “Quand la nouvelle direction a racheté Anderlecht, le financement de Rojolu a été arrêté par Anderlecht. Rojolu n’existe donc plus.”

“Fan d’Anderlecht, même contre le RWDM”

Quand on cite le nom RSC Anderlecht, Roger a un sourire sur le visage. “Je suis supporter à vie. Que voulez-vous ? C’est ce club qui a donné l’opportunité à mes deux fils de devenir professionnel.” Il n’a pas souvent été au Parc Astrid, ces dernières années. “Mais là, j’ai mes tickets pour aller contre le RWDM. J’habite Molenbeek, mais de l’autre côté de la Chaussée de Ninove où j’habite, c’est le territoire d’Anderlecht. (Rires)” Roger, lui, a failli jouer au RWDM. “J’ai été à un poil de signer, en 1995 avec Vermeersch (après sa période à Seraing). Mais je suis finalement parti au Germinal Ekeren, qui m’a fait une meilleure proposition. Ma spécialité était le jeu de tête. Je sais que Romelu a inscrit deux très beaux buts de la tête contre l’Azerbaïdjan, mais je maintiens que j’étais plus fort de la tête. (Rires). Je sautais, je regardais le gardien pendant que je restais suspendu en l’air et je plaçais le ballon dans le coin. Je vous invite à regarder le but que j’ai marqué avec Seraing à Anderlecht quand on y a gagné 0-2. Le ballon venait derrière moi, il était compliqué à mettre au fond.”