Isabelle Arpin ferme son resto et s’offre un retour à la terre

“Je me sentais un peu à l’étroit dans un système de restaurant gastronomique qui ne me convient plus”. Au moment d’expliquer les raisons qui l’ont poussée à fermer son restaurant de l’avenue Louise, la cheffe Isabelle Arpin ne tourne pas autour du pot. Un besoin de respirer, de se recentrer sur des choses plus essentielles, des produits naturels plus en adéquation avec l’air du temps.

Mais attention, si la cheffe rend son tablier et fermera son restaurant bruxellois le 30 juin, elle n’arrête pas pour autant ses activités. Vendredi après-midi, après son service, elle a accepté de nous en dire plus sur cette nouvelle vie à venir.

Elle a décidé de se recentrer sur La belle étoile, un service de traiteur lancé pendant le covid, et elle se consacrera à un nouveau projet de restaurant-ferme à Ciney, où on retrouvera également des chambres et une brasserie. Parallèlement à cela, elle a décidé de renforcer son partenariat avec Bigh, la ferme aquaponique installée sur le toit des abattoirs d’Anderlecht. “Avec eux, je goûtais des produits à base de végétaux, on réfléchissait à une agriculture plus traditionnelle, à des emballages écoresponsables. Là, on va renforcer notre partenariat et je vais avancer sur des valeurs que j’avais déjà”, nous a expliqué la cheffe.

En réalité, c’est un double coup d’arrêt qui a poussé la cheffe à revoir sa façon de penser. Il y a bien entendu eu la pandémie due au coronavirus qui a forcé les restaurants à fermer leurs portes et qui a durablement changé les habitudes des clients et, plus récemment, une opération du dos qui l’a immobilisée pendant cinq mois. “J’adore mon restaurant, mais cet arrêt m’a donné envie d’avoir un réel impact sur les choses. J’ai réfléchi à ce que je pouvais faire pour montrer le chemin à mes enfants, pour qu’ils soient fiers de moi.”

On l’a dit, cette nouvelle vie se passera en partie du côté de Ciney. Il y a deux ans, le propriétaire des murs du restaurant d’Isabelle Arpin – Albert Karaziwan, le CEO de Semlex – lui avait montré un projet en devenir du côté de Ciney. Une brasserie installée dans un corps de ferme à Leignon, avec un projet de restaurant et de chambres d’hôtes et, plus tard, l’idée de cultiver des terres, entre autres pour faire pousser le houblon utile à la brasserie.

À cette époque, encore prise par son restaurant bruxellois, Isabelle Arpin n’avait pas vraiment donné suite. Mais depuis, l’eau a coulé sous les ponts et la cheffe a décidé de se lancer. “J’ai toujours rêvé de vivre à la campagne et d’avoir des chevaux. On s’en approche, non?”, s’esclaffe-t-elle, avant d’assurer que la cuisine de ce restaurant à venir sera plus simple et basée sur des produits locaux. “Il y aura un potager, on fera notre pain, il y a des puits d’eau et on utilisera la drêche de brasserie pour faire de la farine.” Un vrai retour à la terre pour cette cheffe venue du nord de la France, il y a plus d’une vingtaine d’années.

“J’avais vu ce projet pendant le covid, je trouvais ça super, mais j’étais occupée à Bruxelles. J‘étais prise par mon restaurant, c’était un système dans lequel je me sentais enfermée, il était difficile pour moi d’en sortir”, explique la cheffe, convaincue d’avoir fait le bon choix en se recentrant.

Durant le covid, pour tenter de passer la crise, elle et son associée Dominika Herzig avaient lancé le service de traiteur La bonne étoile, avec un certain succès. Ce traiteur, installé à Boitsfort avec un atelier de 300 mètres carrés, fera partie du redéploiement d’Isabelle Arpin, qui a tenu à s’adapter aux nouveaux modes de consommation des employés de bureaux et des particuliers. De l’atelier sortiront toute une série de produits (pesto, pâtés, sauces…) conçus par la cheffe et vendus dans des boutiques avec lesquelles des négociations commerciales ont démarré.

En plus de ce qui précède, la cheffe va lancer “la table d’Isabelle”, un événement gastronomique qui, une fois par mois, se tiendra quelque part en Europe. Ce projet de cuisine itinérante sera lancé après l’été, une fois que les endroits auront été sélectionnés. À cet égard, il y a déjà de la demande de différents pays. “Cela me permettra de garder le contact avec les clients, ce que j’adore”, explique Isabelle Arpin qui vient aussi de terminer son projet de mentoring chez Ciao, le restaurant italien situé à The Merode. De ce côté-là, le chef Leonardo Lacometti reste en place et le restaurant poursuit son aventure.

Très active dans différents projets sociaux – elle est la marraine de l’association Free go solidaires et elle est mécène de l’hôpital Erasme depuis des années –, la cheffe souhaitait aussi se dégager du temps pour se consacrer à ses différents projets qui, à ses yeux, sont plus importants. “Je veux être plus impliquée dans ces projets et en termes d’auto-satisfaction, je trouve cela plus utile que ce que je faisais”, explique encore la cheffe. Après avoir rêvé d’être médecin, elle avait étudié la finance à Paris dans le but de devenir commissaire aux comptes. “Il ne faut pas dire cela”, souffle-t-elle en se marrant. Il ne sera finalement question ni de commissaire ni de comptes, mais bien d’un coup de foudre pour la cuisine lors d’un coup de main donné à un copain restaurateur.

Après être passée par l’école hôtelière de Dunkerque sur le tard, elle a officié pendant plusieurs années à Middelkerke (“auprès du chef étoilé Marc Boin qui m’a beaucoup appris”) et à Ostende. Venue à Bruxelles, elle prendra les fourneaux du restaurant Alexandre, dans les pas d’Alexandre Dionisio et récupèrera l’étoile au Michelin dans la foulée. Une grande satisfaction, mais pas une fin en soi. Cette page-là est clairement tournée.

“J’ai 53 ans, je ne veux pas avoir peur de dire que cela ne me convient plus, que je veux faire autre chose. Cette fois-ci, je change pour évoluer, être dans mon temps et me rapprocher de mes valeurs, j’ai l’impression que tout va se regrouper, l’humain et le social”, conclut la cheffe, en route vers de nouvelles aventures.